Mascarade

30 07 2013

Mascarade« Ouais, de toutes façons, Bruno Faidutti, c’est simple: il a de bonnes mécaniques mais il sait pas quand les arrêter, c’est pour ça qu’on se fait ch#r quand on joue à ses jeux… » Voilà en substance ce que je pensais de cet auteur à mes yeux surestimé. Pourtant, je me suis laissé tenter par un Mascarade malgré son nom sur la boîte (Benji de Martelle est un vendeur efficace, à moins que je sois un pigeon de première classe). A froid, entre l’achat et le test, je n’ai pu m’empêcher de penser « et si c’est comme d’habitude? Si ça devient ch#nt à force de traîner en longueur pour rien? » Restait à vérifier tout ça avec un test…

Alors que certaines mécaniques donnent lieu à de véritables effets de mode (comme les jeux de draft, au hasard), d’autres s’intègrent à l’univers ludique de manière plus discrète. Il en est ainsi des jeux à rôles secrets. Les Loups-Garous de Thiercelieux, Shadow Hunters… Ils sont relativement peu nombreux, ces titres qui jouent sur le doute quant aux identités de chacun. Pourtant, le concept est toujours plaisant à mettre en œuvre autour de la table, et il permet de poser une bonne tension autour du jeu à peu de frais…

En même temps, il faut bien reconnaître que le système a quelque chose de redondant. Prenez les Loups Garous de Thiercelieux et Shadow Hunters, par exemple: on a son rôle, on tente de deviner qui sont les autres, on identifie le camp adverse, et on lui marave la tronche (par le vote ou à coups de hache, selon le jeu). Il fallait quelqu’un avec une vraie science de la mécanique fourbe pour transformer ce concept en quelque chose de jamais vu. Un Faidutti, par exemple.

Masques

Le contact visuel est tellement bon que c’en devient étonnant. 13 (enfin, 14, mais bon) grandes cartes seront utilisées pour déterminer le(s) rôle(s) de chacun. Plein de pièces en carton bien épaisses et joliment imprimées passeront de main en main, un plateau du même métal figurera le Tribunal où les menteurs paieront une amende. Ajoutez à ça des pense-bêtes en nombre suffisant pour ne pas avoir à les demander d’un bout à l’autre de la table, et une règle du jeu, et vous aurez tout le contenu de la boîte. C’est beau, c’est de qualité, ça donne franchement envie de jouer avec.

Chaque joueur incarne… euh… disons que chaque joueur a beaucoup de personnalités qui se baladeront dans sa tête. Si vous commencez la partie avec 6 pièces et un rôle donné (et connu de tous), la situation va rapidement évoluer, votre identité changera (ou pas), et vous devrez vous débrouiller pour faire croire aux autres que vous êtes qui ça vous arrange d’être afin de vous enrichir et d’être le premier au cap fatidique des 13 pièces d’or.

Le point rigolo, c’est que vous n’avez pas le droit de regarder votre rôle quand vous le voulez. Et comme les rôles varient au fil de la partie, il va falloir vous accrocher pour savoir qui vous êtes. A votre tour, vous aurez le choix entre 3 actions: regarder votre rôle (tout de même), l’échanger avec celui d’un autre joueur (vous prenez les 2 cartes sans les regarder, les passez sous la table, et décidez si vous les échangez ou non avant de les rendre), ou prétendre être un rôle.

Schizophrénie

Quand vous prétendez être quelqu’un, les autres joueurs ont le droit de prétendre être cette même personne. Si personne ne vous contredit, vous effectuez l’action du rôle sans qu’aucune vérification soit effectuée (vous pouvez donc mentir). Dans le cas contraire, les prétendants révèlent leur identité: les menteurs perdent 1 pièce qui va au Tribunal, et si quelqu’un dit la vérité, il applique l’effet de son rôle. Et on continue ainsi jusqu’à ce qu’un vainqueur émerge. Simple?

En tout cas, redoutablement efficace. Les règles et rôles sont très rapides à comprendre et à retenir. De là à dire que le jeu est « simple »… Il vous faudra beaucoup de concentration et d’observation pour déterminer qui est qui autour de la table. Les erreurs et quiproquos seront forcément nombreux, et c’est ce qui rend ce jeu si bon. Cerise sur le gâteau, les pièces se gagnent finalement vite et la partie ne traîne pas en longueur sans raison, d’autant moins quand le Tricheur (qui gagne avec seulement 10 pièces) est de la partie…

Bref, Mascarade est beau, sa mécanique et l’équilibrage de ses rôles sont un travail d’orfèvre, le jeu est prenant, et Faidutti a cette fois su arrêter le jeu au moment où le plaisir est à son maximum, poussant ainsi les joueurs à faire la partie de plus, puis la revanche de la revanche, etc. Un must-have pour les amateurs de petits jeux d’ambiance.

MASCARADE

Apparence: 19/20

C’est peut-être le titre le plus classe que j’aie eu entre les mains. Ça a de la gueule, c’est de bonne qualité, la lisibilité du matériel est parfaite en cours de partie… Un format de cartes plus standard pour pouvoir les protéger et éviter de les marquer par pliages, ça aurait été mieux… mais on aurait moins vu les illustrations… Rhâ, la perfection est-elle donc inaccessible?

Simplicité: 14/20

Comprendre, c’est nickel. Se rappeler des effets des rôles en jeu, ça se fait vite. Mais repérer où se trouvent les rôles autour de la table, c’est infernal. Et tant mieux.

Fluidité: 15/20

Dépend un peu du nombre de joueurs et des situations, mais vu qu’on ne reste pas inactif durant les tours adverses, ça limite grandement les temps morts.

Immersion: 16/20

Mascarade, c’est un peu « s’intéresser ou mourir ». Un jeu qui mettra votre concentration à rude épreuve pour deviner quel joueur a quel rôle, y inclus vous-même.

Fun: 17/20

Ben ouais, parce que Mascarade ne se limite pas non plus à un Memory bête et méchant, il propose aussi de multiples moyens de pourrir les certitudes des uns et des autres, et chaque action se fait un peu sans en connaître les aboutissants. D’où des situations parfois stupidement drôles.

Clarté des règles: 17/20

Vu les règles en elles-mêmes, il aurait été difficile d’en faire un pavé imbuvable. Le livret est clair, les petites précisions importantes sont bien mises en valeur… Du simple et efficace.

Accomplissement personnel: 14/20

Pas plus de 14 parce que le chaos mis autour de la table limite la portée tactique du titre. Mais pas moins car cette portée existe, et quand vos manœuvres vous mènent effectivement à la victoire, ça a de quoi vous rendre fier.

NOTE FINALE: 16/20

J’aurais voulu la faire monter plus haut, cette note, mais la recherche d’objectivité fait son œuvre et me contraint à ce « petit » 16/20. Bruno Faidutti a sans doute sorti là son meilleur jeu. Un jeu simple et fourbe comme il sait les faire, mais aussi un jeu rapide et nerveux, qui laisse planer un suspens fort jusqu’au dénouement. Une grosse réussite, et une excellente alternative aux Loups-Garous de Thiercelieux.





City of Horror

8 11 2012

A l’instar d’un jeu dérivé (voir l’introduction de ma critique de Dungeon Petz à ce sujet), le remake d’un jeu est un exercice difficile, d’autant plus lorsqu’on s’attaque à un titre reconnu comme étant excellent. Il est facile de perdre l’esprit initial du titre à trop vouloir le moderniser, et de totalement planter son sujet. C’est ce dont je parlerai dans cette deuxième partie du diptyque consacré à Zombies: la blonde, la brute et le truand (« Z:BBT »), en illustrant mon propos par le test de City of Horror.

City of HorrorEt ainsi mourut le suspens : non, City of Horror n’aurait jamais dû se prévaloir d’un lien de parenté avec Z:BBT, tant la comparaison entre les deux titres lui fait de mal. Moins intéressant, moins immersif, moins plaisant à prendre en mains, moins… Moins tout, en fait. Prenons les choses dans l’ordre. Et pour commencer, je vous engage à lire (ou relire) ma critique de Z:BBT, car ce qui suit va s’appuyer dessus pour vous faire un état des différences notables entre les deux titres.

Le pitch est similaire, mais on se situe cette fois à l’échelle d’une ville. Invasion, survivre, trahisons, etc. Petite subtilité, le jeu se termine au bout de 4 tours, et à cet instant, les militaires tueront les survivants qui n’auront pas reçu d’antidote. Autre subtilité, tous les lieux ont à présent des effets particuliers. Se soigner, récupérer l’antidote, piocher des cartes…

L’approche commence comme d’habitude, avec le visuel. Le plateau modulable et les lieux double-face, j’adhère à 100%. Entre les choix des faces et ceux des emplacements des bâtiments, on arrive à 1500 et quelques configurations possibles. C’est pas mal. Des pions en carton de zombies, et de personnages… tous différents? Ou sont passées les blondes, les truands, tout ça? Et… les roues pour voter? Où sont les votes!? C’est quoi ces mini-cartes de choix de lieu qui servent à rien? Rendez-moi ma roue! (oui, intérieurement, j’étais vraiment en panique à ce point.)

Sprint?… ah ben non.

Le système de jeu… en fait, pour la suite, je vais changer un peu des habitudes, et effectuer une revue point par point des changements entre ancien et nouveau jeu. Et on commence avec le n° 1- Les arrivées de zombies. Dans Z:BBT, le Chef de la Sécurité lançait des dés, et pouvait voir ce qui arrivait. Dans City of Horror, une carte sera révélée à chaque tour pour montrer où arriveront les zombies. Heureusement, des survivants pourront monter en haut du château d’eau pour observer la carte pour le tour à venir. Jusque-là, admettons.

2- Les cartes d’équipement. On sort d’un jeu où il faut se battre pour obtenir la moindre carte, et on arrive sur un titre qui en donne 4 d’entrée de jeu. Quelque part, heureusement qu’elles sont mal fichues et que leur utilité est tellement circonstanciée qu’elles ne servent à rien la plupart du temps, sinon ça serait trop facile. Pour les récupérer, pas besoin de risquer sa vie au centre, elles tombent au hasard sur la map au fil du jeu.

3- Les personnages. Au début, on se dit que des personnages avec des pouvoirs, ça va être cool. D’autant qu’utiliser un pouvoir nécessite d’épuiser son personnage, que ça réduit sa valeur en points, et qu’un personnage épuisé n’a plus de pouvoir (tant qu’il n’est pas soigné). Sauf que les personnages sont tirés au pif en début de partie, et que ça donne des situations tout sauf équilibrées, puisque certains persos sont tout simplement bourrins (le cuistot qui fait piocher) alors que d’autres ont des handicaps à la place de leurs pouvoirs (la mémé qui ne peut pas bouger)!

Brainless.

4- Les lieux. Il faut reconnaître que les lieux sans pouvoir de Z:BBT faisaient parfois un peu tristounet dans le paysage. City of Horror a au moins le mérite de montrer qu’il valait mieux pas de pouvoirs du tout plutôt que des pouvoirs foireux. Aucun pouvoir de lieu dans ce jeu n’est véritablement utile (à part l’Eglise qui ouvre même une possibilité de combo), au point que des ajouts bancals aux règles ont été faits pour justifier certains pouvoirs (je pense aux antidotes). Les pouvoirs sont peu utiles, leur répartition sur les lieux est totalement injustifiable… du bonheur.

5- Les invasions zombies. Ah, là, on arrive au cœur du jeu, on va s’éclater! … Euh, on fait les votes au clair? Pas de roue, même pas une carte à la couleur de la cible pour fourber en dernière minute? Et… les zombies rentrent ou non selon le bâtiment, sans regarder qui est à l’intérieur? Donc y’a pas moyen de se débrouiller pour renforcer une présence pour sauver un personnage, ou d’abandonner un adversaire face à 2 zombies? Et puis, quand les zombies ont mangé, ILS RESTENT SUR PLACE!? Autant dire que le lieu est condamné!? Super génial quand le Château d’Eau a 5 ou 6 zombies en permanence sur lui dès le tour 2! Personne ne va faire sacrifier son type, personne ne voit ce qui arrive, et on joue tout le jeu à l’aveuglette, super délire!

J’aurais pu parler de l’importance d’être premier, de la « roulette zombie » qui remplace le vote pour le carrefour, encore un autre système artificiel pour justifier l’ajout d’un pouvoir sur… la banque! « Ok, je transfère 300$ sur votre compte au zombieland, et vous mangez plutôt mon voisin »? Ou des boîtes de conserve à ramasser dans ce même carrefour, parce que si on n’avait pas remplacé l’ancien « parking » par un truc foireux et inutile ça aurait été trop bien. Mais à force, ça me fait presque mal d’écrire tout ça et de penser que certains sites ont osé encenser cette bouse comme le digne successeur de Z:BBT. Alors je préfère m’arrêter là.

CITY OF HORROR

Apparence: 14/20

Le design assurément « comics » du titre (à croire qu’un certain « The Walking Dead » a eu du succès) n’est pas pire qu’autre chose, et les illustrations sont plutôt réussies, mais on y perd tout de même sur la qualité, avec des méthodes de gameplay globalement peu heureuses, surtout en comparaison de son aîné.

Simplicité: 13/20

Aïe. A vouloir ajouter de nouvelles choses, City of Horror se complexifie inutilement. Les tours restent assez simples quand on a compris le truc, mais on conserve une certaine confusion tout au long du jeu.

Fluidité: 14/20

Corollaire à la simplicité, la fluidité prend également un coup dans l’aile, le temps que les joueurs cernent l’étendue de ce qu’il peuvent ou doivent faire.

Immersion: 8/20

Ici mourut City of Horror, consumé par ses idées brouillonnes et mal agencées, par son rythme haché et par ses choix de gameplay anti-intuitifs. Impossible de s’y prendre.

Fun: 10/20

Quand les joueurs demandent à se faire tuer pour quitter le navire avant la fin du naufrage, c’est rarement bon signe.

Clarté des règles: 12/20

On retrouve les mêmes soucis que pour Z:BBT, mais avec plus de règles, des règles un peu plus compliquées, des besoins en précisions plus importants… Et une formulation un peu plus boiteuse qui ouvre la porte à l’interprétation.

Accomplissement personnel: 11/20

Un avis similaire à celui de Z:BBT, si ce n’est que le désintérêt par rapport à la partie atténue les éventuels sentiments de fierté ou de frustration quant à nos choix.

NOTE FINALE: 10/20

Si j’étais une langue de pute, je dirais que City of Horror a été conçu à la va-vite (contrairement à ce qui peut se lire sur un célèbre site d’informations ludiques) pour surfer à la fois sur la vague zombie actuelle et sur la demande croissante d’une réédition de Z:BBT… et en fait, ça serait certainement l’explication la moins insultante pour l’équipe de développement. Chaque changement apporté au jeu original est soit artificiel, soit merdique (ou les deux). Par respect pour l’excellent ancien titre, ne vous laissez pas piéger par cette purge.





[Oldies] Zombies: la blonde, la brute et le truand

8 11 2012

Attendu comme le Messie par certains, encensé avant même son premier prototype (ah, les joies du marketing), City of Horror est sorti il y a peu de temps. Présenté comme un remake de Zombies: la blonde, la brute et le truand (ou « Z:BBT »), il m’offre l’occasion de parler de ce noble précurseur, une perle qui n’a pour seuls défauts majeurs que son nom interminable, et sa non-réédition. Ce premier test sera suivi d’un autre, logiquement consacré à son successeur.

Zombies: la blonde...Oui, bon. J’en ai déjà parlé précédemment, des zombies, on en voit partout, et déclinés à toutes les sauces. Mais il y a encore peu de temps, ce n’était pas le cas. Tiens, en 2008, par exemple, qui parlait de zombies? Une poignée de geeks, qui se regroupaient parfois pour profiter de leurs passions dans des lieux sombres (ben oui, les boutiques de jeux, c’est pas toujours super bien éclairé, et une salle de cinéma est, par définition, sombre). Pour sortir un jeu sur ce thème à cette époque, il fallait avoir un jeu qui tienne sacrément la route derrière.

Et Z:BBT, ça tient sacrément la route. Le pitch est diaboliquement simple: un centre commercial est infesté de zombies. Certes, les secours arrivent, mais les places dans l’hélicoptère sont en nombre limité. Et quitte à choisir, mieux vaut que ce soient vos survivants qui s’échappent plutôt que ceux de vos adversaires… Qui a dit que la survie en milieu hostile était affaire de coopération?

Sprint

L’ouverture de boîte est plutôt sympathique: un grand plateau (trop grand, diront certains) figure le centre commercial, chaque joueur dispose d’une « roue » à sa couleur lui servant à voter (car on vote énormément dans ce jeu), il y a des cartes « matériel » (des armes, des barricades, etc.), et une demi-boîte sous laquelle seront secoués 4 dés. On n’oublie pas des jetons en bois teintés, représentant les survivants de chaque joueur, et une cohorte de pions zombie en plastique, pas trop mal moulés sans être transcendants.

L’ensemble est plutôt beau, assez immersif dans les choix artistiques, et va se révéler impeccable à l’usage. Les personnages des joueurs sont éparpillés dans 6 lieux, dont 2 ont des capacités spécifiques. D’abord, le Poste de sécurité permet à celui qui en a le contrôle (choisi par un vote à chaque tour) de « lancer » les dés sous la boîte, et d’être (en théorie) le seul à voir leurs résultats. Quand on sait que ces résultats indiquent les emplacements des futurs zombies, on comprend l’importance de la fonction.

Autre lieu particulier: le Parking. Un survivant parmi ceux qui s’y trouvent en fin de tour (choisi par vote) aura le privilège de partir en quête d’objets intéressants: il choisira une (bonne) carte pour lui-même et en donnera une (mauvaise) à un autre joueur. Le problème du lieu? C’est que chaque zombie qui s’y trouve mangera quelqu’un, quel que soit le nombre de survivants présents… Piocher, c’est gagner, à condition d’avoir des boucliers humains autour de soi.

Brains!

Mais entrons dans le vif du sujet: Chaque personnage va choisir un lieu où il sera obligé d’envoyer un personnage, en commençant par le Chef de la Sécurité (qui choisira de façon visible). Les apparitions de zombies ne s’effectuent qu’après tous les mouvements, il est donc généralement intéressant de suivre l’avis du chef. Quand tout le monde a bougé, les zombies attaquent. Un lieu qui possède plus de zombies que de survivants va être envahi, et il va falloir voter pour déterminer quel joueur va perdre un personnage. Diplomatie et trahisons sont à l’ordre du jour à cet instant.

Car certes, l’objectif est simplement de sauver ses propres survivants sans se soucier des autres,  mais vous mettre tout le monde à dos ne vous rendra pas service pour autant. Il vous faudra vous montrer (faussement) conciliant et amical dans certains choix de vote afin d’éviter les « dévorements-sanctions » et marquer un maximum de points. Un exercice délicat, qui fait atteindre à Z:BBT un niveau d’immersion inégalé. Couplé à une simplicité de jeu exemplaire, cela fait de chaque partie un vrai moment de bonheur ludique. On peut rêver d’une « vraie » réédition un jour?

ZOMBIES – LA BLONDE LA BRUTE ET LE TRUAND

Apparence: 15/20

Du matos beau et solide, de bonnes idées pour répondre aux demandes spécifiques du gameplay (la roue de votes), et un choix artistique qui plonge dans une ambiance d’apocalypse zombie. Du tout bon, en somme.

Simplicité: 16/20

L’impression de connaître toutes les ficelles du jeu au bout du 3ème tour compense les hésitations du début de partie, quand on n’est pas trop surs d’avoir tout compris.

Fluidité: 15/20

Tout le monde joue plus ou moins en même temps, le seul instant de flottement vient lors du choix de destination ou, beaucoup plus rarement, de certains votes.

Immersion: 17/20

Une fois plongé dans cette course à la survie, impossible de s’en sortir. L’emprise du jeu sur la tablée est totale, et on n’a surtout aucune envie d’y résister.

Fun: 15/20

Etroitement liée à l’immersion. Entre alliances et coups fourrées, il n’y a juste pas de place pour l’ennui dans ce jeu.

Clarté des règles: 12/20

Quelques points mineurs mal ou non expliqués, mais l’ensemble est bien ordonné et pratique à utiliser.

Accomplissement personnel: 12/20

La chance compte pour beaucoup, mais il y a de quoi être fier quand on effectue LA manœuvre de fourbasse qui plie le suspense.

NOTE FINALE: 15,5/20

Monument ludique incontestable, Z:BBT offre un plaisir de jeu exceptionnel avec un système finalement plus simple à exploiter qu’il n’y paraît au premier abord. Immersif tant au niveau du matériel que du système, ce jeu est du genre à vous scotcher à table pour toute la durée de la partie. Son successeur annoncé, City of Horror, parvient-il à l’égaler, voire à le surpasser? Réponse dans le test à suivre.





Are you the Traitor?

2 05 2011

Are you the Traitor?Il existe un jeu qui mériterait presque le titre de meilleur jeu du début de siècle. Un modèle de jeu de dialogue et de bluff, une sorte de Loups-Garous de Thiercelieux puissance 10, un jeu qui reprend certains aspects de son aîné en en supprimant le moindre défaut grace à un système autrement plus dynamique. Et je suis prêt à parier que vous n’en n’avez jamais entendu parler. Parfois le monde est cruel.

Pour ceux qui sont attentifs, je vous ai déjà parlé de LooneyLabs. Mais si, vous savez bien, les américains qui ont enfanté Monty Python Fluxx… Ça vous revient? Bon. Eh bien ils ont encore frappé. Et ils ont même frappé sacrément fort, vu que leur dernier bébé, Are you the Traitor?, a pour seul défaut d’être produit par un petit éditeur indépendant.

Chaque joueur de Are you the Traitor? incarne un personnage lancé dans la recherche ou la protection d’une clé magique. Les gardes protègent le Porteur de Clé camouflé parmi eux, qui doit donner la clé au gentil magicien. Mais parmi les gardes sont infiltrés un ou plusieurs traitres, qui veulent que la clé tombe aux mains du méchant magicien.

Bluff, contre-bluff & paranoïa.

Comme d’habitude, on ouvre la boîte. On a encore en mémoire l’aspect pour le moins « dépouillé » de Monty Python Fluxx. Et surprise! L’éditeur a investi dans un illustrateur. Un illustrateur qui a fait un très bon boulot. Puisque je vais régulièrement comparer Are you the Traitor? aux Loups-Garous de Thiercelieux, je commence dès maintenant: exit les symboles étranges, place à des portraits nets, porteurs d’une vraie personnalité.

Le système est d’une simplicité diabolique, chaque petit ajout à la mécanique de base ne servant qu’à apporter des fourberies supplémentaires sans rendre le système de jeu imbuvable. Chacun des 5 rôles recherche un autre rôle précis, et il faut savoir jongler entre la recherche de sa cible et le camouflage de son rôle pour ne pas faire gagner l’équipe adverse. Contrairement aux Loups-Garous, il n’y a pas une équipe qui cherche et une équipe qui se cache. Ici chacun est en permanence actif sur les 2 fronts.

Key Holder, pointe-moi!

Autre différence avec les Loups-Garous, le jeu est beaucoup moins cloisonné dans son déroulement. Il existe parfois des phases « fermez les yeux, ouvrez les yeux » pour que certains personnages se dévoilent en partie, mais dès que la manche démarre, plus rien ne vient interrompre la grande partie de poker menteur qui démarre. Pas de vote intermédiaire, pas d’élimination en cours de manche. Dès qu’une accusation est portée, la manche s’arrête, et on vérifie les rôles de chacun pour déterminer l’équipe gagnante.

Je reviens vite fait sur « pas d’élimination en cours de manche ». Les victimes de début de partie des Loups-Garous apprécieront ce point : dans Are you The Traitor? Vous ne quitterez pas la partie en cours de jeu. Les joueurs gagnent des cartes trésors valant des points, certains permettant de voler les trésors des autres, et le jeu s’arrête dès lors qu’un joueur totalise 10 points. En général, la partie suivante commence juste après tant le jeu est plaisant, prenant, immersif.

Un défaut à ce jeu? Je dirais, sa distribution. LooneyLabs est un petit éditeur indépendant, qui expédie certes dans le monde entier, mais avec les frais de port qui vont avec. A moins de convaincre un vendeur qui pourra commander assez d’exemplaires pour éviter les frais de port (bon courage), le tarif du jeu seul deviendra rapidement prohibitif. Mais le plaisir de jouer à Are you the Traitor? mérite de s’organiser pour grouper ses commandes et réduire les frais.

ARE YOU THE TRAITOR?

Apparence: 15/20

Joli, sans superflu, lisible, dans une boîte pas trop grande… Le carton de la boîte ne met pas en confiance quant à sa tenue à long terme, mais sinon c’est du tout bon.

Simplicité: 16/20

2 minutes d’explications au départ, et tout roule ensuite. Le cocktail est parfait entre la simplicité d’apprentissage et la richesse en fourberies du jeu.

Fluidité: 17/20

C’est un jeu de parole, de bluff, où l’on joue tous en même temps sans Maître de jeu ni interruption. Dans ces conditions, la fluidité ne peut qu’être bonne.

Immersion: 17/20

On se prend vite au jeu, on se défend, on s’accuse, comme si on était vraiment ces traitres ou ces magiciens. Et hors de question de s’interrompre pour quoi que ce soit.

Fun: 18/20

Toute la mauvaise foi déployée par les participants rend chaque moment de jeu excellent, d’autant plus que le système ne laisse aucun joueur de côté durant le déroulement de la partie.

Clarté des règles: 16/20

Pour peu qu’il y ait un anglophone dans l’assistance, il est très facile de comprendre les règles et de les appliquer. Les schémas pour savoir qui pointe qui sont régulièrement rappelés et aident à s’approprier rapidement la mécanique.

Accomplissement personnel: 9/20

Les bons diplomates sauront se mettre en valeur dans Are you the Traitor?, mais l’objectif du jeu n’est clairement pas là. On y joue juste pour s’amuser sans chercher à « scorer », et pour ce qui est de s’amuser, on est servis.

NOTE FINALE: 17/20

Are you the Traitor? Pourrait facilement devenir l’un des jeux les plus connus et les plus vendus de sa catégorie s’il était distribué par un « grand ». Si vous le pouvez, essayez de vous grouper pour acheter vos exemplaires malgré les frais de port, sous peine de louper un véritable joyau cartonné.





Skulls & Roses

5 04 2011

Skulls and Roses

(image: L’atelier du rêveur)

Je vous ai déjà parlé des boîtes qui font peur. C’est moche ou en tout cas peu engageant, on croit qu’on va se brûler les doigts en y touchant, et en fait on passe à côté d’un bon jeu bêtement. C’est ce qui pourrait vous arriver si vous n’accrochez pas au visuel de Skulls & Roses.

J’avoue, Skulls & Roses m’a fait peur. Une boîte noire avec juste des crânes et des roses, certes adaptée au nom du jeu, mais qui sous-entend aussi un univers pas forcément adapté à de franches parties de plaisir autour d’un jeu et d’une boisson quelconque. En parlant de boisson, la prochaine fois, pour moi, ça sera une bière. Question d’ambiance.

Bière.

Se parant d’un univers « biker » pas du tout incohérent, Skulls & Roses est définitivement un jeu de bar. Un jeu à base de sous-bocks, qui ne sera jamais autant à sa place que dans une salle de bar optionnellement assombrie par la fumée, accompagné par un brouhaha vocal. Accessoirement, c’est aussi un jeu de bluff, une sorte de Perudo sans hasard.

16 sous-bocks ronds, 4 sous-bocks rectangulaires, et la règle du jeu, dans une boîte qui aurait pu être plus petite, même en « standard ». On ne peut pas dire que ça soit très joli, mais il faut reconnaître une cohérence à l’ensemble. On retrouve bien sur des crânes et des roses (surprise!), mais aussi 4 emblèmes de 4 gangs de motards imaginaires (avec clins d’œil intégrés). Le tout dessiné à traits épais, colorisé en à-plats, comme on pourrait voir sur un casque ou un tatouage de gros chevelu monté sur sa Harley fétiche.

Epluchage de règle. Chaque joueur choisit un gang qu’il représente, et reçoit 1 sous-bock carré réversible (un côté « Skulls », un coté « Roses ») nommé « plateau », et 4 sous-bocks à sa couleur: L’un comporte un crâne au verso, les autres sont munis de roses. Au début du tour, chaque joueur pose un sous-bock sur son plateau, face « crâne/rose » vers le bas. Puis, à tour de rôle, on a le choix entre rajouter un sous-bock sur son plateau, ou commencer un défi.

Cuir.

Commencer un défi interdit désormais de poser des sous-bocks. Chaque joueur peut surenchérir à tour de rôle sur le nombre de sous-bocks qu’il a l’intention de retourner. Quand personne ne surenchérit sur un défi, le plus gros enchérisseur n’a plus qu’à prendre ses responsabilités et retourner, un à un, le nombre de sous-bocks annoncés sur son plateau, puis ceux des autres. S’il ne retourne que des roses, il gagne son défi: son plateau est retourné côté « roses ». S’il était déjà côté « roses », le joueur a gagné la partie. Si un crâne est dévoilé lors du défi, celui-ci est perdu, et le joueur perd un sous-bock. Plus de sous-bock équivaut à une élimination.

Le système est assez compliqué à décrire, mais simple à assimiler, et pas tellement invasif sur le jeu. Comme au poker, le bluff est encouragé et avec un peu d’habitude (soit seulement 3 ou 4 parties), on joue les joueurs plus que les éléments de jeu. Jouer défensif est aisé, mais ça ne mènera jamais à la victoire. Il faut prendre un risque à des moments-clés de la partie pour remporter ses 2 précieux défis.

Bluff et opportunisme sont les 2 concepts-clés de Skulls & Roses. Dès ma première lecture (en diagonale) des règles, j’ai pensé, « ça c’est un bon petit jeu d’introduction pour une soirée », et j’ai tapé dans le mille. Simple à comprendre, sympathique pour poser une ambiance entre les joueurs, S&R est une bonne pioche pour débuter la séance de « gros » jeux à suivre. Peut-être même meilleure qu’un Wazabi. C’est dire.

SKULLS & ROSES

Apparence: 12/20

C’est honnête, adapté à l’univers choisi, lisible, et de bonne qualité. De là à dire « beau », j’hésite… Une boîte un peu grande, mais rien de dramatique.

Simplicité: 16/20

Il est important qu’un jeu de bluff soit simple, et Skulls & Roses l’est assurément. Facile à prendre en main, il permet de se focaliser sur l’essentiel: ses adversaires.

Fluidité: 15/20

Tours de jeu rapides, aisés à comprendre… Il se passe parfois du temps avant la prise de décision, mais comme il pourrait se faire au poker, donc ça passe bien tout de même.

Immersion: 12/20

Les seuls sous-bocks, en dépit de leur cohérence, ne suffiront pas à placer une vraie ambiance propre à l’immersion. Prévoyez un lieu et une bande sonore adaptés.

Fun: 16/20

Exemplaire. Plus simple et plus rapide que le poker, moins hasardeux que le Perudo, Skulls & Roses ne laisse pas l’ambiance retomber un seul instant dans la partie. D’autant que chacun joue en même temps et qu’on ne perd pas de temps à attendre les autres.

Clarté des règles: 16/20

Il y en a peu, et on les transmet facilement. Une règle de jeu bien conçue.

Accomplissement personnel: 14/20

Variable selon l’attitude. La satisfaction (ou la déception) sera proportionnelle aux risques pris pour aller chercher la victoire. Et comme il est nécessaire de prendre des risques dans ce jeu…

NOTE FINALE: 15/20

Je tiens ma nouvelle référence en p’tit jeu d’apéro. Simple, esthétiquement cohérent à défaut d’être artistiquement très soigné, Skulls & Roses est un très bon jeu de bluff, à la mécanique simple qui permet de se concentrer très vite sur l’essentiel, à savoir le jeu. Je le recommande. Sans bluffer.