Malédiction!

9 05 2017

BoîteMalédiction me rappelle 2 points que d’anciens tests m’ont déjà permis de soulever: le jeu qui fait peur quand on l’explique mais qui en fait est bien (Shadow Hunters), et le jeu dont la mécanique est irréprochable mais qui oublie l’importance des émotions (Mysterium). Ça risque d’être un peu le bordel pour tout exprimer clairement dans ce test…

Malédiction! date de 2008, et c’est un jeu allemand édité par une société canadienne. Étant un jeu allemand, son éditeur a jugé bon de le faire ressembler à un jeu de n’importe quel autre pays sorti dans les années 90. Pour le coup je ne peux pas précisément juger l’ouverture de boîte, celle-ci ayant été remplacée par des assemblages de papier qui prennent moins de place, et le livret de règle étant absent, remplacé par la mémoire du propriétaire (sic).

Par contre les cartes sont présentes. Des cartes moches, avec des illustrations sorties du fond des âges représentant divers personnages tous plus inquiétants les uns que les autres. Attention, je n’ai pas dit « effrayants », mais « inquiétants » : ils ne font pas peur, on se fait juste du souci pour eux, on se demande s’il existe des structures adaptées à les accueillir, tout ça. Toutefois, reconnaissons au matériel une bonne lisibilité. Les cartes sont en outre accompagnées de jetons « Or » en carton, et de jetons « Ingrédient » en bois, aux couleurs bien différenciées (sauf peut-être pour les daltoniens).

Potion.

Chaque joueur se trouve donc avec 12 de ces cartes (tout le monde a les mêmes), chacune présentant un personnage disposant d’un pouvoir principal et d’un autre, disons « de secours ». Au début de chaque manche, chaque joueur choisit secrètement 5 cartes dans ce paquet pour former sa main, puis le 1er joueur pose un personnage de son choix sur la table. A tour de rôle, chaque joueur ayant ce personnage en main devra le jouer mais aura un choix.

Soit le joueur décide de s’attribuer le rôle du personnage, et le joueur qui a précédemment joué la carte perd son tour, soit le joueur décide d’employer le pouvoir de secours du personnage. Il applique immédiatement l’effet, qui est certes moins puissant mais qui ne peut pas être annulé. A la fin du tour de table, le joueur qui dispose encore du rôle choisi applique son pouvoir principal, puis rejoue une carte, etc.

Cartes

Herbe.

Et tout ça pour quoi? Au centre de la table se trouvent des potions, de plus en plus chères à concocter en termes d’ingrédients. Les joueurs vont donc devoir amasser des ressources pour fabriquer ces potions qui leur apporteront des points en fin de partie. A la fin de ces explications, je n’avais totalement pas envie de jouer à Malédiction!. On m’avait expliqué tellement de moyens de passer ou perdre son tour que je m’imaginais déjà écrire ici à quel point ce titre était pire que les jeux de « pioche-passe » que je déteste tant.

Heureusement, les tours sont tellement rapides que la frustration n’a pas le temps de s’installer, et on réussit (presque) toujours à faire de ses cartes quelque chose qui nous avantage pour aller chercher quelques points de plus. Alors, c’est un bon jeu? Euh… c’est une bonne mécanique. Car si le jeu se révèle assez dynamique et profond pour vous coller à la table, il y manque ce quelque chose qui vous chatouille les émotions et qui vous colle l’expérience ludique à l’esprit.

Au final Malédiction! fait partie de ces titres un peu frustrants à juger, très bons dans leur mécanique mais qui au final ne sont que ça, une mécanique. Ce jeu me rappelle certains horlogers des siècles passés, qui cherchaient à susciter des émotions par la fabrication de leurs automates. Il existe encore aujourd’hui des concepteurs de jeux qui poursuivent cette quête.

MALÉDICTION!

Apparence: 12/20

C’est… austère, voire même caricaturalement teuton. Les teintes sont moches, les images sont moches, mais reconnaissons au titre une lisibilité parfaite.

Simplicité: 16/20

La mécanique se comprend très vite pour laisser la place à la psychologie et la lecture des intentions de chacun.

Fluidité: 15/20

Les actions de chaque joueur sont très rapides, les tours de tables courts, on passe peu de temps entre chaque action.

Immersion: 14/20

Le besoin de suivre les déclarations de chacun tout en élaborant sa stratégie maintient efficacement dans le jeu, on évite tout sentiment d’ennui.

Fun: 11/20

L’autre point « caricature allemande » du titre. C’est prenant, d’accord, mais paradoxalement pas tellement amusant, en fait.

Clarté des règles: 14/20

Pas vu le livret, mais bonne retranscription orale.

Accomplissement personnel: 14/20

Une note un peu par défaut, parce que d’un côté la victoire se construit et se mérite, et d’un autre côté on n’a rien à foutre de son résultat en sortie de table.

NOTE FINALE: 14/20

En écoutant les explications, j’ai voulu mettre 8/20 à ce jeu. Sa mécanique seule vaut facilement 16/20. Finalement ça sera un 14. Parce que le jeu est infiniment plus ouvert et moins frustrant que ce que je m’imaginais, mais aussi parce qu’il ne procure rien au-delà de l’exploitation de sa mécanique qui donne envie de se rappeler du jeu. Un bon système de jeu à tester une fois, pas nécessairement à acheter.





Grimoria

15 08 2013

L’inattendu a parfois du bon. Parfois, un bon jeu vient d’une société dont on n’attend pas grand-chose, comme Règlement de Comptes chez Parker, ou Hero Quest chez MB. Tenez, prenez Schmidt Spiele, par exemple, on les connait pour quoi? Des puzzles, des jeux pour enfants (l’Escalier Hanté), et quelques petits jeux pas super artistiques (Ligretto). Bon, quand on cherche, on se rend compte qu’ils éditent aussi en Allemagne des titres comme Carcassonne, Dominion, Citadelles… et qu’ils ont sorti en France un certain Grimoria. Découverte.

GrimoriaIl y a un truc qui a tendance à disparaître des paquetages des magiciens modernes, c’est le fidèle vieux grimoire. Si le support écrit reste présent chez Harry Potter (le journal de Tom Jedusor, le manuel d’alchimie du Prince de Sang-Mêlé), je n’ai pas le souvenir d’avoir vu Gandalf sortir un vieux bouquin pour répondre à une de ses interrogations. Et l’archétype du mage « classe et cool malgré qu’il s’agisse d’un barbu en robe de chambre » exclut le recours à la lecture pour assister sa mémoire: il SAIT, c’est tout.

Alors rendons un hommage mérité à ces réserves de savoir oubliées, ces assemblages de papier griffonné qui renferment sous leur aspect miteux la mémoire des grands esprits de l’univers heroic-fantasy. Car en effet, et comme son nom le laisse si bien supposer, Grimoria tourne autour des grimoires. C’est pour ça que chaque joueur en aura un, avec un marque page (une carte) assorti. Il y a aussi plein de cartes personnages ou lieux, des pions aux couleurs des joueurs, et des sous en carton.

Vieux Parchemin

Sur le plan visuel, ça claque. Les Grimoires sont de petits livres reliés comme des BD franco-belges, couverture rigide et tout et tout. Les éléments sont bien lisibles tout au long de la partie, et les actions possibles sont assez claires. On est surtout épaté par les grimoires. Un tel niveau de finition sur un accessoire de jeu, ça force le respect. Il y a juste un petit problème, c’est que c’est un choix de matériel qui ne sert à rien d’autre qu’à l’esbroufe. Vu que le seul intérêt du truc est de mettre le marque page dedans pour choisir secrètement son sort, ça pouvait aussi se faire avec des cartes posées face cachée, qui auraient en plus ouvert la voie à du deck-building, des extensions, et des variations entre les parties.

Bref. Le plateau sert essentiellement à présenter une sorte de ligne temporelle qui nous indique à quel tour on se trouve dans la partie et quels sorts du livre peuvent être utilisés, ainsi qu’à supporter une pile de cartes personnages dont certaines sont placées face visible à côté. Les joueurs choisissent secrètement leur sort, on révèle tout ça en même temps et on place un pion à sa couleur sur le plateau, sous le sort qu’on a choisi. L’ordre du tour se fait depuis la plus basse valeur de sort vers la plus haute. Les sorts sont assez variés, permettent de ramasser de l’argent, acheter des personnages/lieux, se protéger, embêter les autres, etc.

Pages Jaunes

Quand tous les joueurs ont appliqué l’effet de leurs sorts, on passe au tour suivant qui nous ouvre l’accès à un nouveau sort, et ce jusqu’à la fin de la partie. C’est simple à assimiler, et il y a en même temps assez de subtilités pour permettre de ne pas s’ennuyer. Certains personnages accordent des points en fin de partie si vous avez certaines combinaisons de Lieux, et maximiser son score final (qui dépend de ses personnages, lieux, et pièces d’or) est assez stimulant cérébralement.

Alors, bonne pioche, Grimoria? Euh… Sur une seule partie, oui. En fait, les choix esthétiques du jeu sont à la fois sa grande force et sa grande faiblesse. Oui, ça claque visuellement, mais en même temps toute la mécanique est dramatiquement figée : Les choix qui s’ouvrent au fil du temps sont toujours les mêmes, les situations de départ sont toujours les mêmes, et les sorts que vous jouerez à un tour donné seront à peu près les mêmes puisque les actions adverses n’ont que peu d’influence sur vous. Pour autant, votre découverte du titre et votre première partie seront un vrai bon moment ludique avec une mécanique intelligente, qui allie simplicité et richesse. Au moins à tester.

GRIMORIA

Apparence: 18/20

Génialement beau. Certains éléments manquent un peu de finesse, mais le matériel est d’une qualité jamais atteinte, et avoir son grimoire en mains fait quand même son petit effet.

Simplicité: 15/20

Il faut juste faire attention à bien apprendre les sorts et les capacités de personnages, mais sinon un déroulement de tour est aisé à mettre en œuvre.

Fluidité: 12/20

Certains points de réflexion peuvent allonger la sauce en fonction des joueurs, mais sinon ça va plutôt vite.

Immersion: 11/20

On manque d’implication durant les tours des autres joueurs, ça casse un peu l’intérêt porté à la partie en attendant l’utilisation de son sort.

Fun: 13/20

Sur une seule partie, ça peut monter à 15 ou 16. Un bon système qui pousse à la réflexion pour tirer le meilleur de votre jeu sans être intrusif ou dirigiste dans votre tactique. Le souci est que les choix de conception empêchent le renouvellement du jeu entre les parties.

Clarté des règles: 14/20

Un système simple, bien retranscrit sans être transcendant… Pas grand-chose à en redire.

Accomplissement personnel: 15/20

Il y a un peu de hasard dans les personnages et lieux achetables, mais en dehors de ce point minime, il s’agit bien d’une vraie opposition de tactiques, ou seuls les choix permettent de surpasser les autres.

NOTE FINALE: 14/20

14/20 me semble un peu inférieur à une note juste pour un « OpenZeBox », soit le jugement d’une première partie avec le jeu. Grimoria est intéressant tout le long de la partie, il est bien fait, il est beau, il met en valeur votre sens tactique, il est génial à pratiquer. Mais il ne l’est qu’une fois. Rigide dans sa mise en place, il interdit presque la variété dans les parties. Dommage.