Blanc-Manger Coco

27 03 2017

Comme promis dans mon test de Kalifiko, voici à présent celui de Blanc-Manger Coco. Un jeu qui me pose tellement de problèmes qu’il sera à deux visages: l’objectivité sera de mise dans le cadre de notation en bas d’article, tandis qu’un avis purement subjectif servira de trame au texte explicatif. La différence entre les deux risque de vous surprendre.

boîteJe dois vous faire une confession: j’aime pas trop Jean-Marie Bigard. Il y a bien sur quelques sketchs intéressants dans son répertoire comme la Valise RTL ou la Chauve-souris enragée, mais quand il part dans l’humour graveleux bas de gamme je zappe. J’ai jamais regardé American Pie non plus, ni la plupart des comédies pour ados de même calibre.

Oui, il m’arrive de placer des expressions comme « dtc » (dans ton cul) ou « cmb » (comme ma bite), mais je les considère moins comme des grivoiseries lambda que comme des marqueurs sociaux, des éléments que les adeptes de mèmes internet seront à même de reconnaître pour mieux m’identifier comme un des leurs. Et quand je ris de « métaphores », je n’ai pas besoin pour m’amuser qu’un lourdaud vienne me dire « c’est drôle parce que ‘sa pizza’ en fait ça veut dire ‘sa vulve’, huhuhu! ». L’humour trash s’épanouit dans le mystère et le non-dit.

Prout.

Mystère et non-dit seront les grands absents de Blanc-Manger Coco, adaptation à la culture française du jeu américain « Cards against Humanity ». Le jeu est composé de cartes de 2 types, rangées dans une solide boîte en carton et accompagnées d’une règle du jeu. L’ensemble est de bonne qualité, le visuel est très sobre et offre une bonne lisibilité. J’allais écrire « trop sobre », mais si la déco avait été à l’image des textes ça aurait été un objet gênant à posséder chez soi.

Le principe est très simple: les joueurs ont en main des cartes présentant des… disons des « concepts », il peut s’agir de groupes nominaux ou verbaux: « le gouvernement Ayrault », « violer une chèvre » (hahaha), « une partouse d’octogénaires » (hohoho) ou plus simplement « ma bite » (héhéhé). A chaque tour est désigné un Juge. Le juge pioche une carte « texte à trou(s) » (« contre le stress, —- » , « —- c’est bien, —- c’est mieux », etc.), et chaque autre joueur doit choisir dans sa main un ou plusieurs concepts pour compléter le texte. Le juge rassemble le tout et détermine l’association d’idées qu’il trouve la plus amusante.

cartesBite.

Le matos est très bon, le concept aussi (et je ne dis pas ça parce que j’utilise à peu près les mêmes règles pour jouer avec les cartes de Kalifiko), mais y’a un truc qui me gêne, c’est le niveau d’humour constamment au ras des pâquerettes, quand il ne creuse pas carrément sous leurs racines. Y’a aucune échappatoire qui permet de relever le niveau, tu vas de truc glauque en truc glauque sans te raccrocher à quoi que ce soit qui permettrait de respirer, l’humour trash explicite se prolonge jusqu’à atteindre et allègrement dépasser le point de lassitude.

Il est écrit sur la boîte que ce jeu est « le premier jeu pour adultes pensé par des adolescents et produit par des enfants ». Je corrige, il s’agit d’un jeu pour ados (ou adultes qui ont oublié de mûrir) conçu par des enfants (de 10-12 ans maximum), produit par des adultes (qui ont bien perçu la portée commerciale du truc suite à son succès outre-Atlantique). Un jeu qui me laisse froid et dont je me tiendrai à l’avenir aussi loin que possible.

Voilà pour mon avis perso. A présent, passons à la notation objective:

BLANC-MANGER COCO

Apparence: 16/20

C’est sobre, élégant, lisible, de bonne qualité, et rangé dans une boîte solide qui tiendra votre jeu en bon état. Rien à redire.

Simplicité: 17/20

La compréhension prend 3 minutes, c’est juste un poil plus complexe de gérer les réponses multiples niveau « mélange des réponses ».

Fluidité: 16/20

Pas de souci de fluidité puisque écouter les réponses fait partie de l’amusement, donc on ne ressent pas de longueur en jeu.

Immersion: 15/20

On essaie de poser les propositions les plus stupides/amusantes, ou alors en tant que juge on se demande ce que les autres vont bien pouvoir sortir… On ne décroche pas.

Fun: 17/20

C’est rare que le mot « fun » soit autant d’à-propos. Le titre est vraiment conçu pour amuser les gens et il y parvient sans difficulté.

Clarté des règles: 20/20

En même temps, la simplicité du truc facilite forcément l’explication des règles, mais quand leur transmission dans les moindres détails prend environ 12 secondes, on ne peut pas mettre en-dessous de 20.

Accomplissement personnel: /20

Non noté car gagner n’est pas le but de l’expérience ludique dans ce cas.

NOTE FINALE: 17/20

Soyons honnêtes, Blanc-Manger Coco est objectivement une grande réussite. Un exemple de jeu « minimaliste » dont les auteurs ont compris qu’un jeu d’ambiance doit justement laisser l’ambiance s’installer librement, sans la cadrer avec des règles et des accessoires superflus. Un jeu qui sera sûrement boudé par les « puristes » adeptes de la réflexion et la stratégie, mais qui mérite une place évidente dans les ludothèques de ceux qui cherchent à jouer avant tout pour passer un bon moment avec leurs proches.





Kalifiko

27 03 2017

J’ai noté dans mon petit message de présentation que mes tests étaient subjectifs, et que j’assumais parfaitement ce point. Eh ben voilà que 2 jeux me soumettent un intéressant paradoxe. 2 titres très similaires, dont l’un est objectivement meilleur que l’autre mais subjectivement moins bon. Défrichage ici du second, Kalifiko.

Alors il y a une explication très simple à ce phénomène: je fais jouer aux gens à Kalifiko avec des règles « maison ». Car le gros, GROS problème de ce titre réside dans son système de règles. Ceci dit, niveau apparence on ne peut pas dire non plus que ça soit la grosse éclate.

Rentre dans une valise.

KalifikoAu programme, un paquet de cartes, une sonnette en métal/plastique, et la règle du jeu, le tout dans un sac en tissu assez solide. La couleur dominante? Orange. Le orange pétant façon équipe de football des Pays-Bas (ou travailleurs sur le bord des routes). Osons le dire: c’est moche. Mais ça a le bon goût d’être lisible.

Sur les cartes se trouvent des qualificatifs (« petit », « ne rentre pas dans une valise », « préféré par les hommes »…). A chaque tour, un joueur est désigné pour proposer un nom (« un arbre », « le bonheur », « Nicolas Sarkozy »…). Puis les joueurs regardent les qualificatifs qu’ils ont en main. Si un joueur en trouve un approprié, il tape sur la sonnette centrale et propose son association.

Ne ressort pas de la valise.

Et c’est là que le titre s’écroule. Car les autres joueurs vont se concerter pour décider de valiser ou non la réponse proposée. Si c’est OK le joueur gagne des points, mais il en perd si son qualificatif est rejeté (on n’a même pas besoin d’argumenter). Bienvenue au paradis de la mauvaise foi et du blocage de jeu.

Ce jeu est le premier dont je n’ai pas terminé la partie (même pour Falling, on est allés jusqu’au bout) tellement le système est mal foutu et bloque complètement le fun. Par contre, en lui appliquant une règle maison il devient très drôle et c’est une vraie bonne pioche: supprimez la sonnette, désignez à chaque tour un juge qui déterminera le vainqueur parmi les propositions de ses adversaires, et ça passe tout seul.

… Ah, je viens juste de décrire les règles de Blanc-Manger Coco. Du coup on va en parler dans le second test du jour.

KALIFIKO

Apparence: 11/20

C’est moche. De qualité acceptable, lisible, des efforts ont été faits pour la sonnette, mais c’est moche.

Simplicité: 16/20

Faut être honnête, c’est simple à comprendre. Tu entends un nom, tu associes deux idées, tu tapes sur la sonnette…

Fluidité: 12/20

… et tu te fais rembarrer parce que les gens ne veulent pas te donner de point. Retour à la case départ, le jeu n’avance pas, etc.

Immersion: 8/20

Au bout d’un court moment tu balances tes réponses avec la certitude que ça ne va pas passer, tu contres sans conviction juste pour le principe…

Fun: 6/20

… et tu perds tout intérêt pour le jeu, la soirée, voire la vie dans les cas les plus extrêmes, tellement tu t’ennuies.

Clarté des règles: 15/20

Par contre ça va, les règles du jeu s’expliquent bien.

Accomplissement personnel: /20

Non pertinent, l’objectif (raté) du titre est de faire passer un bon moment, pas d’engendrer de la fierté dans la victoire.

NOTE FINALE: 10/20

Honnêtement, Kalifiko est un ratage de haut niveau. Un titre avec un concept de base sympathique mais dont l’auteur a pourri le potentiel par l’ajout d’une sonnette et d’un jugement collectif qui font s’écrouler le potentiel de la mécanique d’association d’idées. Enlever ces 2 mauvaises idées vous donnera un très bon jeu d’ambiance qui mérite facilement un 15/20.





Dungeon Fighter

19 06 2012

Un après-midi en Taverne. On est 4 à ne pas savoir quoi faire, on emprunte un jeu au gérant. Pas que les échos d’une partie précédente m’aient enthousiasmé, mais j’avais ainsi la possibilité de me forger ma propre impression. Impression définitivement forgée: Dungeon Fighter, ça voudrait bien être super fun, mais au final, c’est juste assez nul.

Je me suis dépêché de publier le test du Donjon de Naheulbeuk que j’avais en réserve avant de commencer celui-là, parce que les 2 titres se ressemblent beaucoup au niveau de leurs ambitions. Dans les 2 cas, la classique épopée d’aventuriers dans un donjon se retrouve accordée à un gameplay « gaguesque », supposé source de délires continus et de grosses parties de plaisir entre amis. Naheulbeuk pèche par une trop longue durée de jeu qui amène une lassitude rapide, mais parvient au moins à dérider les joueurs et à les impliquer dans l’aventure. Alors que Dungeon Fighters…

Hasard

Comme dans le Donjon de Naheulbeuk, chaque joueur incarne un membre d’une équipe d’aventuriers partis saccager le donjon d’un Maître du mal qui n’a rien demandé à personne, afin d’y dérober un quelconque trésor. Le déroulement de l’aventure est un porte/monstre/trésor très banal, mais pas dénué d’efficacité. Pour renforcer la durée de vie (?) et se démarquer (!?), le jeu propose un système de création de donjons aléatoire, avec des embranchements. En fait, ça ne sert strictement à RIEN. Quand on fait porte/monstre/trésor, on se contre-fout de savoir si on prend à gauche ou à droite alors que tous les chemins mènent à Ro… euh, au boss final.

Ouvrons la boîte. Oh, du bricolage! On assemble un plateau circulaire figurant une cible aussi grande que percée (de 4 trous, pour être précis), ainsi qu’une espèce de tour supposée, on l’apprendra plus tard, tenir les cartes utilisées dans le jeu. Cet accessoire précis du jeu, c’est un peu « prendre les joueurs pour des cons illustré par l’exemple ». La tour n’est pas esthétique, elle risque de tomber et de mélanger les cartes qu’elle contient à tout bout de champ, et son sommet conçu pour accueillir la réserve d’or du jeu (selon la règle, hein, j’invente rien) n’est pas assez grand pour contenir l’or en question. Je vous conseille de la laisser dans son carton et de gérer des piles de cartes classiques.

Les cartes qui doivent être accueillies par la tour sont de pas trop mauvaise qualité, mais rien que les illustrations sont d’une mocheté à inspirer la méfiance. « Mais nan, là t’es dur, c’est des illustrations fun pour un jeu fun, rhooo… » Hum. Le Donjon de Naheulbeuk, c’est un jeu fun. SmallWorld, c’est un jeu fun. Et pourtant leurs visuels sont à des années-lumière de ce qu’on nous sert dans ce Dungeon Fighter. Les effets de cartes sont représentés par des symboles. Soit. Mais vu le nombre de symboles existants, attendez-vous à des allers-retours jeu-règles assez fréquents.

Il y a des cartes de monstres et d’équipement. Et des dés. Au nombre de 12, dont 3 colorés. Ils forment la base du gameplay. Car dans chaque salle, il y aura un monstre à affronter, et ça se fera en jetant des dés. Pas de façon conventionnelle et en espérant que ça tombe sur une face favorable, non. De diverses façons toutes plus débiles et incontrôlables les unes que les autres, et en tentant de faire tomber le dé au centre de la cible. C’est le truc qui est supposé faire tomber le gameplay dans le délire le plus jouissif, mais qui fait sombrer le jeu dans les profondeurs du néant ludique.

Echec

Alors, comment-est-ce que ça marche? Plutôt que de vous parler de généralités, je vais carrément vous raconter notre partie, à quatre couillons dans la taverne. Notre groupe avançait paisiblement jusqu’à l’entrée du donjon. Oh, j’avais bien passé une partie du trajet à me foutre de la gueule de l’Elfe, mais que voulez-vous, c’est une sorte de coutume chez nous, les Nains… Car oui, j’étais un fier buveur de bière.

A peine dans le donjon, nous voici face à un premier monstre, un loup errant. Evidemment, l’Elfe a d’abord rechigné à vouloir l’attaquer, mais comme c’était moi le chef, un bon coup de pied au derche lui a fait passer ses idées écologistes. J’ai choisi le dé vert, et je l’ai jeté sur la cible. J’ai réussi à l’arrêter sur la bande du 2, et lui ai causé autant de dégâts. En plus, il y avait un symbole d’œil sur mon dé, donc j’ai activé le pouvoir vert de mon personnage (dé vert => pouvoir vert, logique). Et hop, 2 pièces d’Or en plus pour notre groupe.

L’Elfe a lancé son dé trop loin, et a manqué sa cible. Le Loup l’a donc mordue et lui a fait perdre un point de vie. Le troisième joueur inflige à son tour 2 dégâts, mais sans activer son pouvoir. Vient le tour de notre quatrième compagnon. Mais euh… on n’a que 3 dés au départ, non? Ah, on a le « dé bonus » dans notre trésor. Il a donc le choix: tous nous blesser (comme ça, gratuitement) pour avoir le droit de jouer son premier tour (!), ou utiliser le dé de la réserve, moins fort que les autres mais inoffensif pour nous. C’est finalement le dé bonus qui est lancé, et le canidé est occis. Nous gagnons une pièce d’or.

Nous progressons dans la salle suivante, et c’est un « type louche » (je cite) qui nous barre le passage. Il n’a que 2 points de vie, une misère. Mais pour une raison que la Raison ignore, le combattre nécessite de tourner le dos à la table et de lancer nos dés derrière nous. C’est à ce moment que l’inanité du concept nous frappe. Impossible de toucher la cible, surtout coincés dans un renfoncement d’une petite Taverne. Les échecs et blessures se poursuivent inlassablement. Car là où Naheulbeuk permet une progression en cas d’échec, pas de ça dans Dungeon Fighter, ni même de moyen de fuite. On continue à jeter nos dés de manière ridicule jusqu’à ce que mort s’ensuive.

Un peu dégoûtés, on range la boîte. On paye nos consommations et on sort. La morosité nous couvre, nous masque la beauté de la ville. La journée était plutôt bonne, avant Dungeon Fighter. Une chose est certaine aujourd’hui: je ne retoucherai plus jamais à ce… « jeu ».

DUNGEON FIGHTER

Apparence: 11/20

Une bonne qualité de matériel desservie par des illustrations à oublier d’urgence. On tente de rendre le truc plus attractif avec une « tour » qui ne sert à rien et qui sera bien mieux rangée au chaud dans sa boîte.

Simplicité: 13/20

Le principe est simple. La concrétisation l’est moins. Si vous êtes contorsionniste avec des yeux derrière la tête (ou à la rigueur sous les aisselles), vous pouvez peut-être vous en sortir.

Fluidité: 12/20

Trop de fluidité nuit parfois au jeu. Ici, les actions sont répétitives, et les tours trop rapides pour susciter l’intérêt.

Immersion: 8/20

Mettez-vous dans la peau d’un fier guerrier qui obéit sans discuter au premier type louche venu, qui lui dit « tu dois me combattre en me tournant le dos! »… Oui, moi aussi j’ai eu du mal.

Fun: 7/20

Les actions potentiellement intéressantes se complètent vite. A l’inverse, celles d’une difficulté et d’un manque de fun absolument ridicule se répètent jusqu’à ce que mort du groupe s’ensuive. Une horreur.

Clarté des règles: 12/20

Moyennement claires, les règles impliquent parfois de supposer ou d’arriver à un consensus sur certains points précis. Une double-page de symboles assez semblables les uns aux autres n’aide pas vraiment à appréhender le jeu.

Accomplissement personnel: /20

En tant que simple jeu d’adresse, ça aurait pu compter. Là, on parle juste d’un mauvais jeu de chance.

NOTE FINALE: 10/20

Sur le papier, Dungeon Fighter est un jeu d’adresse et de hasard super délire, avec des fous-rires à chaque coin de donjon. Dans les faits, il passe totalement à côté de son objectif. Moche, pas drôle, ultra-hasardeux, nécessitant au passage une grande table pour être joué (vive le p’tit jeu fun, donc), ce titre est une purge absolue. Évitez-le autant que possible.





Le Donjon de Naheulbeuk

18 06 2012

« Vous allez peut-être me maudire ou m’aduler (voir les 2) En tout cas, j’apporterai un jeu… je vous présente d’avances mes excuses si la folie devient notre maîtresse au cours de cette soirée… » Uniquement nantis de cette sibylline promesse, nous nous sommes retrouvés devant le jeu de plateau officiel du donjon de Naheulbeuk. Un jeu qui colle fidèlement non seulement à l’univers, mais également à la « licence Naheulbeuk ». Pour le meilleur et pour le pire.

Et c’est parti pour l’utilisation de la célèbre licence « Donjon de Naheulbeuk » en jeu de société! Oh, je vous vois venir: quand on lit « utilisation de licence » quelque part, on sous-entend « calquage de noms connus sur un truc qui n’a aucun rapport », « manœuvre bassement mercantile », « vaches à lait », et ainsi de suite. Que nenni! Le jeu officiel du Donjon de Naheulbeuk vous permettra de vous mettre dans la peau des aventuriers de la série, et d’accomplir une visite de donjon à leur manière: en foirant chaque action de manière pitoyable.

Le jeu Naheulbeuk est du genre à partager les avis. Il est difficile de se faire une opinion réellement satisfaisante du jeu, chaque élément pris séparément étant plutôt bien vu, mais l’ensemble laissant un arrière-goût d’ennui au final. Un peu comme un Kebab avec sauce soja et Nutella, si vous voulez: chaque composante est bonne, mais…

Baston!

Bref, ouvrons les hostilités, et la boîte par la même occasion. Du papier, du papier, du papier… ah, et un peu de papier, aussi. Et des pions en carton pour représenter Or, Expérience (Xp, pour les intimes)… Une grande boîte si pleine de papier, c’en serait presque mal vu. On comprend toutefois en voyant le système de quête que c’était la seule méthode de tout faire entrer dans la boîte sans passer par une boîte « format 70€ ».

Chaque joueur reçoit un livret représentant un personnage bien connu de l’équipe d’aventuriers de la saga. Et non, on n’a pas la possibilité de créer ou customiser un peu son personnage. En fonction de la quête prévue, diverses feuilles de lieux sont prélevées dans l’enveloppe qui en contient une bonne soixantaine (ça fait beaucoup de combinaisons possibles), ordonnées de manière à composer un donjon, et on commence le jeu.

Chaque feuille de quête présente une situation, parfois un choix pour les joueurs, et (presque) toujours un test ou un combat à réaliser. Quelle que soit l’issue de ce test/combat, le groupe peut ensuite progresser à la feuille suivante. On s’attend donc à un challenge plutôt relevé pour les différents tests, et on est vite rassuré: il l’est assurément. Je rappelle aux non-connaisseurs de Naheulbeuk que les « héros » sont des incapables qui ne réussissent qu’à fuir les conséquences de leurs échecs. Partant de ce concept, perdre est normal à ce jeu.

Chaussette!

Les tests sont de 4 types: memory, épreuve de château de cartes, grimper sur une chaise avec une carte sur la tête, prendre la pose du flamant rose avec une carte posée sur les doigts. Plus donc, les combats, sorte de grande foire à la truite en temps limité. Mais, ça fait 5 épreuves différentes? Oui. C’est pas un peu juste? Disons que ça aurait pu ne pas l’être. Avec un nombre d’épreuves assez limité, ça n’aurait pas été un problème. Le hic, c’est que le Donjon de Naheulbeuk se veut aussi un grand jeu d’aventure…

Je touche là à un point qui rapproche étrangement le jeu de plateau et la licence Naheulbeuk dans son ensemble: Les mécaniques semblent adaptées à un format « court et fun », comme pouvait l’être la série audio à ses débuts, mais l’ensemble se rallonge inexorablement, et le fun se dilue dans une quasi-banalité à mesure que les situations se répètent et perdent de leur force. Oui, chaque épreuve prise séparément est bien vue, et même plutôt marrante à exécuter. Mais les enchaîner et les recommencer jusqu’à l’absurde ne rend pas du tout service à l’expérience de jeu.

Bref, pour moi ce jeu est un assez bon jeu, mais qui pêche par excès d’orgueil. Là où un format de jeu court aurait servi la mécanique et produit un p’tit jeu très fun, le Donjon de Naheulbeuk rallonge artificiellement la sauce et finit par en devenir indigeste. Dommage.

LE DONJON DE NAHEULBEUK

Apparence: 15/20

Un jeu pour les fans des BD. Les illustrations de Marion Poinsot sont omniprésentes, bien choisies pour la plupart. L’ensemble est sympa à voir, mais le « tout papier », s’il se justifie au vu du système de jeu et de construction des scenarii (j’imagine pas la taille de la boîte avec des tuiles cartonnées), fait tout de même un peu « cheap ».

Simplicité: 14/20

Pas facile à noter, ça. C’est tordu jusqu’à l’absurde, mais un système simple pourrirait le jeu. En plus, une fois les différents « tests » retenus, ça coule beaucoup plus facilement.

Fluidité: 15/20

Le moins qu’on puisse dire, c’est que ça va vite. Tout s’enchaîne avec une fluidité exemplaire, pour peu qu’on ait toujours envie de continuer la quête.

Immersion: 15/20

Les images, les textes, les situations, tout nous plonge dans l’univers de Naheulbeuk. Les fans seront ravis, les autres s’y mettront assez vite. Petit regret sur l’obligation d’incarner des membres de l’équipe initiale.

Fun: 11/20

Des situations amusantes, des mini-épreuves sympathiques… mais pourquoi avoir voulu en faire une si grosse boîte et de longues quêtes (avec ce que ça suppose de répétitivité des 5 mêmes épreuves)?

Clarté des règles: 15/20

Le livre de règles est assez petit, et explique tout ce qu’il y a à savoir efficacement. Un bon point pour le livret d’initiation qui propose une aventure « clés en main » très didactique. De là à dire que les règles sont « claires », il y a un grand pas, mais puisque la complexité et l’absurdité sont des éléments importants du gameplay…

Accomplissement personnel: /20

Non pertinent. Le but n’est pas de gagner, c’est de revivre une aventure à la manière des personnages du Donjon de Naheulbeuk (c’est-à-dire en accumulant les résultats de loosers et en progressant quand même).

NOTE FINALE: 13,5/20

Finalement, ce que je reproche au jeu est exactement la même chose que ce que je reproche à l’évolution de la licence Naheulbeuk. Un bon « petit » jeu d’ambiance avec plein d’idées bien marrantes, mais qui veut se prendre pour un grand. Il y perd finalement son âme pour ne laisser en tête qu’un ensemble répétitif et pas si palpitant que ça.





Falling

27 01 2012

Connaissez-vous le nanar? Pour faire simple, il s’agit d’une, hum… « œuvre » tellement mal conçue et réalisée qu’elle peut soit se vomir au premier degré (non non, le « m » de « vomir » n’est pas une coquille), soit s’apprécier au second degré (pour peu qu’on ait un sens de l’humour bullet-proof) et se regarder comme un bon divertissement/défouloir. Le cinéma est la première source de nanars (Nanarland est d’ailleurs le meilleur endroit pour apprendre à apprécier ces « mauvais films sympathiques »), les jeux vidéo ne sont pas très loin derrière (salut amical au Joueur du Grenier)… et les jeux de société?

FallingBen, apparemment, y’en a qui ont essayé, et c’est nous qui avons eu des problèmes. Car un mauvais jeu, même armé d’un solide second degré, ben ça restera tout de même un mauvais jeu, qu’il faudra suivre jusqu’au bout avec tout le sérieux possible pour tenter de le gagner. Prenons au hasard (totalement au hasard, hein) l’exemple de Falling. L’histoire commence comme celle de n’importe quel nanar: je le trouve, petite boîte pas mise en valeur, au fin fond d’une étagère dans une boutique de jeux (bon, à Nanarland ils trouvent plutôt leurs pépites dans des vidéo-clubs, mais bref). A peine 2€50 le jeu, je tente le coup.

Chute.

Oh, certes, si je m’étais arrêté au visuel de la boîte, je n’aurais probablement pas commis l’erreur de vouloir le tester. Comment dire?… C’est… Ben, c’est hideux, en fait. Ce que représente l’illustration est certes plutôt amusant pour ceux qui ont conservé leur âme d’enfant (celle qui leur faisait griller des insectes à la loupe par temps ensoleillé) puisqu’il s’agit d’un gobelin qui tombe dans le vide, mais le trait excessivement épais et la mise en couleur faite avec le pot de peinture sous Paint et les couleurs les plus moches disponibles… Non, moi j’appelle ça « saboter un dessin », désolé.

L’intérieur est à l’avenant, avec des illustrations similaires (saluons au moins la cohérence graphique) sur des à-plats de couleurs vives. Outre ces cartes, on trouve une règle du jeu peu pratique (j’y reviendrai), qui nous pose le pitch: Pour on ne sait quelle obscure raison (ça commence bien), chaque joueur à l’exception du Maître de Jeu incarne un gobelin qui tombe dans le vide. Leur chute est tellement longue qu’ils décident de passer le temps avec un étrange jeu: le dernier à toucher le sol a gagné.

« Bonjour, sol! »

Comment ça se passe? Le Maître de jeu distribue les cartes une à une, à chaque joueur. Certaines cartes nommées « Riders » (qui arrivent donc totalement au hasard) affectent la façon dont les cartes sont distribuées (on donne une carte de plus à tel joueur, on crée une seconde pile de cartes à tel autre…), d’autres sont utilisables par les joueurs pour déplacer ou supprimer les Riders (vous suivez?). Tout au fond du paquet se trouvent des cartes « Ground », synonymes de fin de partie pour le joueur qui en reçoit une. On joue jusqu’à ce qu’il ne reste qu’un joueur.

C’est simple? Oui, trop. Car chaque joueur ne peut avoir qu’une carte « action » en main à la fois, ce qui limite… non, qui anéantit toute notion de « jeu ». Il y a des types assis qui reçoivent des cartes, un type debout qui en distribue, et c’est tout. Jouer des actions pour redistribuer les Riders? Cela ne fait que légèrement bouleverser le hasard, à moins de calculer à chaque carte combien de tours il reste avant l’apparition des Ground (ce qui est à peu près impossible). On peut donc jouer une carte au petit bonheur, ou alors garder en main un « Stop » qui annulera le « Ground » de fin de partie, et donc attendre une distribution de cartes totalement inutile.

L’impression en sortie de table est… inexistante, en fait. Un type a distribué des cartes, les autres l’ont regardé faire, et c’est tout. Un néant ludique exceptionnel, qui prouve que le pire, ça peut aussi être décevant.

FALLING

Apparence: 10/20

C’est rigolo, certes, mais surtout criard et dessiné à la truelle (bon, après, les goûts et les couleurs, hein…). Et le packaging (paquet en carton hyper fragile) n’aide pas à remonter la note.

Simplicité: 8/20

C’est pas que ça soit compliqué (un mec distribue des cartes), c’est juste totalement inutile, en fait.

Fluidité: 8/20

Un jeu ou personne ne fait rien, c’est un peu un jeu où tout le monde s’emm#rde, non?

Immersion: 0/20

1 joueur qui distribue des cartes, et les autres qui attendent. Falling, c’est un peu le jeu qui te permet de faire une pause dans un « ludo-marathon » sans que ça se voie de loin.

Fun: 0/20

Cf. « Immersion ». Qu’on soit MJ ou joueur, il n’y a strictement rien à faire.

Clarté des règles: 8/20

Avec un tel néant ludique, le jeu se paye le luxe de ne pas être simple à cerner et à transmettre…

Accomplissement personnel: /20

Non noté, parce qu’il n’y a pas vraiment de jeu, donc…

NOTE FINALE: 4/20

On touche ici à un concept rare, le « jeu de néant ». On ne touche à (presque) rien, on ne fait rien, et la partie s’arrête quand la distribution des cartes est terminée. Dans son genre, Falling est (je l’espère) unique. Ne l’achetez pas, mais essayez de trouver la répartition des cartes sur le net et testez-le chez vous, pour voir l’étendue du désastre…